Sawel † Citation

Six ans- Cela fait longtemps que maman pleure. Je n'ai pas vu une seule journée passer sans qu'elle ne pleure. Elle croit que je ne le sait pas, que l'on ne le sait pas mon frère et moi mais, à travers les murs de notre petite maison, il est difficile de cacher quelque chose. Mon frère lui a déjà demandé plusieurs fois pourquoi elle était si triste. Maman répond toujours qu'il n'y a rien. Mais personne ne pleure de la sorte quand il n'y a rien. Moi je pleure quand je me fais mal. Peut-être que maman s'est fait mal il y a longtemps et que depuis ça lui fait toujours mal. Il faudra que je lui demande un jour.

Sept ans- Je n'ai pas pu lui poser la question. Je ne pourrais plus jamais. Il y a eu un orage. Les orages que nous connaissons bien ici. Ce sont les orages qui font beaucoup d'éclairs. Ceux dont j'ai peur. Ces quand il y a des orages comme cela que maman nous autorise à dormir avec elle. Elle nous serre contre elle et ça nous rassure. Mais, elle ne peut plus nous serrer contre elle. Un éclair la frappée. Elle est morte sur le coup. Au moins elle n'a pas du trop souffrir. Maintenant nos habitons chez tatie. Son visage ne ressemble pas à celui de maman mais, elle ont le même caractère. Peut-être que tatie sait pourquoi maman pleurait.

Douze ans- La moisson approche. On le sent dans tout le district. Les gens s'agitent à la grand-place. Des bannières du Capitole sont installées, des écrans géants aussi. Et l'agitation commence à se faire de plus en plus sentir. Les parents achètent du tissu pour les tenus de leurs enfants. Chez nous aussi tatie s'agite. Elle cherche des vieilles chemises qu'elle ne porte plus pour les donner à mon frère. Il a son nom inscrit 16 fois à cause des tesserae et moi seulement 1 fois car il m'a interdit d'en prendre rien qu'une seule. Je porte une chemise bleue que mon frère avait reçu pour sa première moisson. Elle me va trop petite. Je suis bien plus costaud que lui l'était à mon âge alors que je ne suis pas beaucoup plus sportif. Nous partons vers la grand-place pour y être à 14h. Quand nous y arrivons, nous devons nous recenser. C'est une petit piqûre au doigt. Ce n'est pas douloureux, c'est juste désagréable. Puis, je pars seul vers les jeunes de mon âges. Ils ont tous l'air si effrayé. Je le suis aussi. Beaucoup plus qu'eux je pense. Je ne sais pas comment je fais pour ne pas pleurer. C'est d'abord au tour des filles. Je ne la connais pas. Puis au garçon. L'hôtesse plonge sa main dans la grande boule de verre et en tire un papier. Elle le déplie si lentement que j'ai l'impression qu'elle le fait exprès pour que je m'évanouisse. Et finalement j'entends un nom. Ce n'est pas le mien.

Quatorze ans- « Attrape ça. » J'attrapais de justesse le couteau aiguisé que me lançait mon frère. « Pourquoi tu me fous un couteau entre les mains? Tu veux que j'en fasse quoi ? »  « Je veux que tu t'en fasse un cure-dents » Mon air perplexe devait me donner une expression tellement hilarante car mon frère tentait de réprimer un rire. J'étais assez crédule pour croire à ce qu'il venait de me dire. De quoi inquiéter pour la suite. « C'était une blague. Je veux que tu apprennes à te défendre. Dans deux ans tu devras prendre des tesserae parce que moi je serais trop vieux et tu auras donc plus de chance d'être tiré au sort mais, je  ne serais plus là pour être volontaire à ta place. » Il disparu un moment et revins avec une pile de vêtements sur lesquels était dessinée une cible. C'était tellement ridicule que je crus qu'il se moquait de moi à nouveau. « Lances ton couteau. » Je le regardais, incrédule. « Que je le lance là dedans ? Ce sont tes vêtements ou les miens? » « Tu m'as pris pour qui ?...Ce sont les tiens bien sûr. » Je lâchai un soupir. C'était vraiment dingue que je sois le plus mature de nous deux alors qui était de trois ans mon aîné. Je contemplai alors la lame que j'avais entre les mains. Elle était belle et elle brillait magnifiquement. Elle était assez légère mais paraissait plutôt dangereuse. Je montais le couteau jusqu'au-dessus de mon épaule et le lançai du plus fort que je pouvais.Il arriva dans le tas de vêtements sans pourtant être dans la cible. S'en suivit deux ans d'entraînement quotidien.

Seize ans- 'C'est pas comme si j'allais mourir.' Me répétais-je toute la matinée. Sérieux, je n'ai que huit inscriptions grâce à mon frère. Mon nom va pas être tiré. C'est pas possible. J'enfilai une chemise bleue assortie à mes yeux, comme tous les ans, puis, je partais pour la grand-place. Mon frère en avait fini avec les moissons. Il n'avait plus aucune chance de mourir à cause de cette tradition barbare instaurée par la Capitole. Je m'avançai vers la table que j'avais fini par appeler 'la table aux recensements' et la même sensation désagréable me parcouru. Je portais mon doigt à la bouche pour enlever la petite goutte de sang qui s'était formée et je rejoignais ceux de mon âges. Ils étaient les mêmes que les années précédentes, il en manquait quelques uns. Morts par la famine ou par les Jeux. Bien sûr l'année où mon frère n'était pas avec moi était l'année de l'expiation. Année où les tributs choisis par le tirage devaient en désigner deux autres pour aller à leur place. J'entendis le nom d'une fille : Devina Chamberlaine, une fille de pacificateur. Laisser sa place aux Jeux doit être difficile à accepter pour elle. Je connais la réputation de son père. Un homme froid qui n'hésite pas à punir quiconque  ne respecte pas la loi. Puis Nokolaï Blinov, un garçon que je connais assez bien. Je ne parle pas à grand monde de toute façon. Vient maintenant le moment de désigner les tributs de remplacement. Nikolaï désigne une fille qui a le même nom de famille que lui, sa sœur ou sa cousine. Et puis, je n'entends pas le nom que Devina appelle. Je me reçois un coups dans les côtes. Surpris, je regardes l'auteur de ce geste. Il me désigne l'écran géant et je vos mon visage apeuré apparaître dessus. Je me déplace jusqu'à l’hôtesse. Pourquoi m'avoir désigné moi ? Et dire que j'avais presque réussis a y échapper.