you'll fall like a guillotine. (ETTA)

Une force farouche se lisait dans ses orbes bleutés, et elle se demanda un instant si elle parviendrait un jour à lui ressembler, ne serait-ce que légèrement. C'était dans la manière dont il avait d'accueillir chaque client, de régler leurs éventuels différends, ou d'offrir gracieusement à l'orphelinat le reste des produits qu'il n'avait pu vendre dans un délai raisonnable. Adriel Headley représentait le rayon de soleil de tout le district un, cela était d'une évidence criante, du moins à travers les yeux de sa fille. La bonté irradiait de chacun de ses pores, un prestance certaine malgré son échine courbé le distinguait aisément des autres habitants du district. Contrairement à eux, il n'avait guère besoin de s'affubler de vêtements ostensiblement coûteux ornés de diamants et autres bijoux tout aussi dispendieux. Son altruisme transcendait la frivolité et le paraître hypocrite d'un entourage qu'Etta ne supportait déjà plus, du haut de ses quatorze ans.

Était-elle vraiment la seule à remarquer les innombrables qualités de son père ? La jeune fille se perdait dans les méandres de ses pensées, à force d'observer silencieusement les clients qui défilaient à la boucherie de Mr. Headley. Son menton rondelet posé dans le creux de sa main, et le coude vulgairement appuyé sur le comptoir, le dépit grandissait petit à petit en elle, obscurcissant son coeur à mesure qu'elle constatait amèrement la façon dont chaque résident du un abusait de la gentillesse excessive de son père. C'était foncièrement injuste.

Alors un jour, elle lui avoua de cette honnêteté déconcertante qui la caractérisait tant. "tu vas crever si tu continues à te couper en rondelle pour eux." Le boucher continua son travail, le dos tourné. "c'est mon travail, Etta." finit-il par répondre, après un silence oppressant. Elle pouvait facilement deviner le doux sourire qu'il affichait, face à l'inquiétude son unique enfant. "Non ça l'est pas. Pas autant, ils te bouffent et tu poses pas de limites." insista alors la blonde d'un ton enfantin et boudeur, ses doigts serrant à présent douloureusement le rebord du comptoir. "T'es vieux, tu vas mourir. Et je vais être seule." Sa voix se brisa. Elle humecta ses lèvres sèches et déglutit difficilement, avant de poursuivre. "Je veux pas que tu me laisses, papa..." Elle entendit son père renifler, s'éloignant alors de la charcuterie qu'il découpait soigneusement. Le dos toujours tourné vers Etta, il secoua légèrement la tête. Ce qu'il pouvait être têtu. Têtu et incapable d'imposer des barrières aux autres. L'adolescente savait que son combat était perdu d'avance. "Tu ne seras jamais seule, mon ange."

Il avait tort, encore une fois. Quand il s'était effondré dans l'arrière-boutique où ils entreposaient les carcasses, quatre ans plus tard, Etta avait compris qu'ils avaient finalement eu raison de lui, qu'ils l'avaient drainé de toute force vitale jusqu'à épuisement, telles d'affreuses créatures créées par le Capitole.
Et quand, bien plus tard, elle entendit son nom prononcé par l'hôtesse des Jeux sur la place publique, Etta Headley sut qu'ils avaient également réussi à anéantir complètement son souvenir, en l'achevant elle, la fille de l'homme dont ils avaient tant de fois abusé. Ils paieraient tous, un jour ou l'autre.