PANDORA ∆ A half alive.

Calepin tenu fermement en mains, esprit concentré à analyser les chiffres des derniers résultats du test de résistance du produit B1-02KF8. Tu te donnes à fond dans ton travail, comme pour prouver a ton géniteur que tu peux être autre chose qu'une fille à papa dépendant de l'argent de ses parents. Les chiffres sont mitigés. « Il faudra diminuer le taux d'alcool cétéarylique. Et augmenter le dosage de pigments, on remarque une légère décoloration de la peau après plusieurs contacts avec le-- » « Quand comptes-tu leur dire ? » Un blanc. Tu poses tes notes et reprends contact avec le monde qui t'entoure. Ce n'est pas le superordinateur qui a parlé, ni la plante génétiquement modifiée au fond de la salle. Tu lèves la tête et remarques sa présence. T'affiches une tête étonnée, mais en fait c'est pas une surprise. Vous travaillez dans le même labo, tous les deux. C'est là que vous vous êtes rencontrés. Faut pas t'étonner de le croiser, tu devrais t'en réjouir même. Et tout ce que tu trouves à faire, là, tout de suite, c'est de lui accorder un petit sourire avant de dire « Dès que je rentre. Juré. » Ce que l'on ne t'a pas apprit quand tu étais petite, c'est qu'on ne jure pas ce que l'on ne le fera pas. Ou pas comme l'interlocuteur le pensait. Les choses ne se passent pas comme au Capitole, ici, au Trois, et surtout pas dans la tête des gens. Tu baisses la tête, gênée, mais il s'approche alors pour poser tes notes sur la table en acier froid juste à côté. Après s'être assuré que personne ne rôdait devant l'entrée de la salle, il s'autorisa à te prendre la main. C'est là que ça recommence. Cette sensation, cet effet. Ca te reprend encore. Comme à chaque fois qu'il te touche. C'est froid, vivifiant, mais ça te réchauffe le cœur. Et éphémère. Très éphémère. Et c'est pour ça, pour cette sensation, que tu te bats dans l'ombre, seule. Pour qu'elle soit plus qu'un simple courant de frissons qui te parcours du bas du dos jusque dans la paume des mains. Pour pouvoir vous toucher vraiment, pour pouvoir vivre libres. « Un jour, je réussirai à te faire passer avec moi au Capitole. »
Non, ne fais pas de promesses que tu ne peux tenir.

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Une fois t'y es allée, t'étais super bien habillée. Tu portais une robe de Cartia Lafourge bleu nuit, somptueuse, avec des reflets indigo. La coupe était simple, comme tu l'aimes. Une simple robe bustier, longue jusqu'aux pieds, avec un châle blanc transparent aux motifs impériaux en broderies. Typiquement ancien. Quand t'es entrée dans la pièce et que t'as traversé la salle avec une démarche aérienne, comme si à chaque pas tu posais le pied sur un nuage, toute l'assemblée s'est divisée en trois camps. Ceux qui trouvaient cette tenue trop sobre, trop simple, trop d'autres termes péjoratifs. Ceux qui trouvaient cette 'originalité' élégante, fraîche et ancienne à la fois. Du nouveau, du vieux, du goût quoi. Et dans le dernier camps, il y avait ta famille. Cette soirée c'était leur présentation trimestrielle des nouveaux produits de la marque. Une action marketing très importante. Elle détermine l'avenir de la marque pour les mois à venir. Eux ne faisait pas attention à la robe que tu portais, mais au maquillage qui ornait ton corps de spirales aqueuses, du visage aux orteils. Le maquillage d'une marque rivale. Elle était reconnaissable à la couleur. Car ce soir là, cette autre marque organisait le même genre de réception et présentait des produits de cette texture, de cette couleur. Les joues rouges de ton paternel, son expression de colère, te firent esquisser un rictus malsain.
Et c'est aujourd'hui ce même genre de rictus que se dessinait sur tes lèvres bordeaux, alors que ce cher papa Luther manquait de s'étouffer avec le morceau de poisson qu'il ingurgitait quand tu leur a annoncé la nouvelle. Ce genre de situations, tu t'en régalais. Un jour te pourrais le tuer de cette manière tu sais. Fais attention. Perdre un parent est toujours plus dur que ce que l'on imagine, même si on ne s'entend pas avec. Tu finis par glousser, en feignant de vouloir te faire discrète. « Pandora ! » te repris ton frère. Ah oui. Ce cher frère. Le traître, le vendu, l'enfant prodigue. Il est un mystère pour toi. Tu n'as jamais compris vraiment pourquoi il se mettait du côté de ton père. Et ce n'est pas aujourd'hui que tu le comprendras. Tu prends une bouchée avant de continuer ta déclaration sur un air de rien « Et oui. Je suis fiancée. Ne me demander pas à qui, son nom de vous parlerai pas. C'est tout ce dont vous devez avoir connaissance, pour le moment. Maintenant excusez-moi, j'étais venue vous annoncer la nouvelle. C'est maintenant chose faite, je peux donc m'en aller. » Et sans un mot de plus, tu te lèves, dépose un baiser sur la joue de ta sœur, puis sur celle de ta mère, et tu quittes l'appartement baignant dans un silence spatial, ne laissant raisonner que le bruit lourd de tes talons sur le carrelage.