HAZEL ☇ l'humanité souffre et je souffre avec elle

T'as 8 ans quand ça se produit pour la première fois. C'était l'hiver, il faisait particulièrement froid. Tout le monde était malade, tes parents y compris. Y'avais ce virus bizarre qui touchait certaines familles, une espèce d'épidémie impossible à endiguer alors les gens restaient enfermés autant que possible. C'est ton père qui est mort le premier. Ta mère s'est accrochée plus longtemps, effrayée pour l'avenir de ses enfants, notamment ton petit frère qui était malade lui aussi. Et puis elle s'est éteinte, aussi simplement que ça. C'est là qu'a eu lui ton premier trou, ton premier blackout. Il a duré quelques heures seulement. Quelques heures dont tu ne sais rien, sauf ce qu'on t'en a dis. On dit que tu es sortie seule dans la neige, courant sur tes petites jambes pour supplier qu'on t'aide. Devant le refus de chacun tu as essayé de te souvenir de tout ce que ta mère t'avait dis sur les plantes, tu as fouillé la neige pour essayer de trouver celle que tu pensais être la bonne et tu l'as donné au bébé, dans un espoir fou et désespéré. Et ça a marché. Il a guéri. Si seulement tu l'avais fais avant, tu aurais pu les sauver tous. Mais tu n'étais qu'une enfant, une enfant de huit ans.

Après ça, plus de crise. Votre oncle vous a accueilli, plus par peur de ce qu'on dirait s'il ne le faisait pas que pour tout autre raison. Aussitôt, il t'a mise à contribution parce qu'après tout "trois putains de bouche à nourrir, ça fait chier et c'est pas gratuit." Texto. Mais t'as fais ce qu'il te disait parce que t'avais peur que dans un sens tu lui en étais reconnaissante et qu'en plus, tu avais peur qu'ils vous foutent dehors, comme il menaçait souvent de le faire. Alors tu te faisais docile pour vous assurer un foyer. Tu ramassais les plantes que ta mère t'avait appris à reconnaître et tu les vendais comme remède. Au début les gens venaient parce qu'ils avaient pitié mais il ne croyait pas trop au pouvoir de tes plantes. Puis de plus en plus, ils ont commencé à se passer le mot, que ça marchait plutôt bien tes petits trucs alors ils venaient toujours plus nombreux. Ton oncle a vu le bon filon et il a fais en sorte que tu en fasses toujours plus. Tu ne protestais pas mais concrètement, à à peine 12 ans, c'est toi qui faisait déjà vivre ton frère et ta soeur, plus que ton oncle, qui gardait bien son argent au chaud. Sale petit rat cupide. Mais tu taisais ton mauvais caractère pour le bien de tous.
Puis ça n'a plus été suffisant alors il a commencé à t'envoyer faire le ménage chez les gens, ce genre de choses. Puis ça a été des services de plus en plus variés pour de plus en plus de monde. Jusqu'à ce qu'il franchisse la limite à ne pas franchir. Tu avais 15 ans. Et tu n'oublierais jamais: la douleur, l'odeur de transpiration rance, le matelas inconfortable. Tu pleures et tu disparais encore plusieurs heures cette fois. Tu ne sais rien. Tu deviens folle, tu en es convaincue. Mais tu ne dis rien. Et ça continue. Pourquoi en serait-il autrement ? Comment en serait-il autrement ?

Entre l'herboristerie, l'école, les enfants et les "services" t'es au bout du rouleau mais t'as pas trop le choix. Tu dois tenir bon pour eux, coûte que coûte. Parce que tout ce qui compte. C'est eux.