AFTER MIDNIGHT.

La vie au Capitole n'est qu'une immense tricherie.
Ce n'est pas pour me déplaire, je m'en délecte tout autant que les autres, je trouve ça palpitant et pour rien au monde je ne changerai ma vie pour une autre, dans les disctricts. J'ai le chic pour me foutre des problèmes extérieurs et d'agir avec toute l'arrogance que m'a légué mon paternel dans son ascension pour élever son fils unique. Je suis un Capitolien, tout ce qu'il y a de plus banal. Avec la notoriété d'un père constamment sous les feux de la rampe en plus ; j'ai grandi avec les bavoirs en tissu luxueux et la constante impression d'être admiré et adoré. En plus de ça, j'ai été doté de capacités intellectuelles correctes et d'un charisme qui fait toujours sensation -ou du moins, chacun fait semblant d'aimer mes blagues au risque de contrarier mon ego.  Comme à peu près tous mes confrères, je me contente de laisser la vie se dérouler sous mes yeux en essayant d'en saisir les petits bouts pré-mâchés ou simplement intéressants. Tout en gardant un maquillage frais et une tenue vestimentaire impeccable, cela va de soi.

« Tu m'ennuies. » elle a redressé la tête et ramené ses jambes contre sa poitrine. Du bout des doigts j'effleure les amuse-gueules entreposés sur un plateau d'argent lui-même posé sur une petite table de chevet flottante. « Tu peux t'en aller, s'il te plaît. » les sourcils froncés je la regarde s'exécuter, passer devant les verres vides sans pour autant les saisir -comme elle est censée le faire. Je m'empresse donc de claquer des doigts pour lui rappeler ce à quoi elle sert. Elle est plus intelligente que les autres mais, cela devient lassant, de voir le même visage livide, dénué d'expression, comme si elle attendait quelque chose. Parfois, une lueur joue avec ses yeux, quelque chose de beau, qui fait briller ses pupilles. Avec une certaine nonchalance, je redonne à mes cheveux une allure correcte et serre mon nœud papillon. La salle de réception grouille de monde et à peine eus-je le temps d'y pénétrer que l'on m'attrape par le bras et m'entraîne près du buffet. « monsieur vinci-deus, quel plaisir de vous voir ! » je regarde les gens s'empiffrer, fais de même après avoir ajusté ma chevalière et fait un clin d'oeil à la jeune fille qui se sert grâcement de toast au foie gras. « je ne compte pas rester. » un sourire mesquin sur les lèvres, je porte mes lèvres à la coupe de champagne qu'on m'a glissée entre les mains et regarde mon interlocuteur. « voyons, ne me faîtes pas croire que vous allez nous abandonner de si tôt ! » j'aime me faire désirer alors je hausse les épaules et progresse jusqu'au buffet qui face face à un tableau de la nouvelle présidente. Je n'ai même pas besoin de prendre les mets, on me tend telle ou telle spécialité du chef en me faisant un signe de tête aimable. Je termine ma coupe en écoutant une femme à la coiffure bancale et au maquillage croulant. Elle n'a pas plus de trente ans mais traîne un air négligé qui lui en donne bien plus. J'aime bien sa voix alors, je l'écoute d'une oreille. Elle parle des prochains jeux et je hoche la tête en observant aller et venir. Entrer et sortir des toilettes. Avant de m'éclipser je tends une pastille rose à la bonne femme et lui fait un clin d'oeil. Il est tôt mais je ne veux pas traîner, les meilleures proies partent toujours tôt. « Vitaly ! » pitié, épargnez-moi le supplice que de voir ma mère au milieu d'une réception. Une boule se forme dans ma gorge mais je me retourne en souriant comme un ange tombé du ciel. Elle me présente à ses amies et plus particulièrement à la fille d'une de ses amies. Je fais comme si je ne la connaissais pas et me dégage rapidement de la conversation qu'elle entame avec moi. Maman fait de grands gestes éloquents et me chuchote que je devrais aller parler à telle ou telle fille. Je hoche la tête et répond avec des phrases courtes et précises. Ennuyante. Je la connais déjà. Quelle horreur ! Je fais pas dans les prostituées gratuites. Déjà fait. Et alors qu'elle soupire, désespérée et s'apprête à partir je l'attrape par l'épaule et chuchote que le mec dans le fond en train de siroter un mojito est plus intéressant que toutes ses potentielles proies. Elle dit qu'elle s'en fiche, que je fais ce que bon me semble. Comme si j'avais besoin qu'elle me le rappelle. Elle disparaît pour le reste de la soirée -il est déjà 22 heures et elle doit être sur le plateau très tôt demain ! Comprenez. Étant quelqu'un d'entreprenant et casanier, je me contente d'inviter ledit garçon à venir manger quelque chose, dans ma chambre, le service d'étage s'occuperait de tout -et mon porte-monnaie également, de surcroît. Il se contente d'esquisser un sourire et d'opiner. Tout le monde sait à quel point j'ai horreur de la solitude -et tout le monde sait que je me lasse très vite, bien que ma mère n'ait de cesse de me répéter que les gens ne sont pas des jouets, je persiste à y croire, ; on découvre, on s'attache et on se lasse. Les gens sont des jouets (c'est bien pour cela qu'on se permet d'en garder certains coincés dans des districts et qu'on les sort de leur boîte pour nous divertir).

Serein, j'irai me coucher. Puis, soucieux de me trouver une occupation pour le lendemain alors que je sais déjà que ma journée et déjà toute tracée, je devrais ingurgiter une pilule qui me fera sombrer. À moins que quelque chose n'arrive, j'attendrai tout simplement que les heures s'écoulent tout en vaquant à mes occupations favorites. Ma vie est foutrement bien faite ; si je me fais chier comme un rat mort, je demanderai à ce qu'on me prépare un transport pour me rendre dans un de ces districts pour câliner du regard les habitants les plus naïfs.