it doesn't hurt me, you wanna feel how it feels ? (+) IVY

Elles jouaient ainsi insouciamment, leurs rires innocents s'élevant dans la petite maison familiale. Sur les visages se lisait le bonheur aussi simplement qu'en quelques lettres, aussi expressément qu'un simple mot. Elles étaient bonheur. Puisqu'il n'y avait que cela, maintenant, qu'une hémorragie éternelle de quiétude infinie qui au travers de leurs sourires béats illuminait les instants qu'elles passaient ensemble. Tantôt le jour tantôt la nuit, elles s'évanouissaient au détour de quelques rires enfantins, parties de cache-cache qu'elles n'avaient de cesse de se disputer. Hilda était la lumière, charismatique et séduisante, passionnée et envoûtante, déjà. Ivy était l'ombre, mystérieuse et secrète, invisible et mesurée. Complémentaires. L'un tombait l'autre aidait à la relever. Ainsi assise toutes deux dans la chambre qu'elles partageaient dans la petite bâtisse de bois elles se contaient quelques histoires qu'elles avaient entendues, ici et là. Petites oreilles attentives et desquelles personne ne se méfiait. Jamais. À s'illusionner ainsi en quelques expressions complices, quelques murmures oublié dans les temps et les âges, effacés dans le silence. Elles demeurèrent ainsi de longues minutes à simplement se parler, puisqu'elle n'avait besoin de rien d'autre, qu'une communication unique et fusionnelles qu'elles avaient toutes deux partagée depuis le jour de leur naissance. Il en était ainsi alors, que quelques mots échangés dans l'ombre.
Un trouble-fête vint les déranger pourtant au terme de plusieurs dizaines de minutes. Elles le regardaient de leurs grands yeux brillants de malice, et d'une admiration aussi qu'elles ne vouaient qu'à lui. Si le même sang coulait dans leurs veines tous trois semblaient pourtant sensiblement différents. Alors qu'Hilda et Ivy étaient des copies parfaites l'une de l'autre, jusque dans les moindres détails, Ethan lui avait hérité de la carrure et du visage de son grand-père paternel, terriblement charismatique et séduisant. De son sourire espiègle il les avait désarmées instantanément, tentation ô combien doucereuse à laquelle elles cédèrent aisément quand il leur demanda de le suivre. Et ils s'engouffrèrent ainsi dans la petite maison, tous trois inconscients du monde qui les entourait, tous trois insensibles aux peurs qu'ils ignoraient encore.  

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Elle les regardait les yeux emplis d'une admiration sans faille, sans brèche, sans rien d'autre qu'une sincérité qui lui avait toujours été propre. Charlie n'avait jamais été douée pour ça. Pour se battre. Et en dépit de ses entraînements quotidiens elle ne s'améliorait pas, jamais. Elle n'en avait pas la volonté, ni la force. Éternelle rêveuse refusant d"intégrer un système trop violent pour elle, répandant feu et sang au sein même des familles. Elle observait sa sœur du coin de l’œil, sans jamais rien dire, silencieuse et muette au nom de l'amour. Ivy pouvait deviner de temps à autres les reliques pourtant bien cachées dune personne qu'Hilda avait été, un jour. Douce. Sincère. Demeurait aujourd'hui de cette enfant quelques expressions infimes, regards lancés à son égard, imperceptibles. Dans son regard depuis plusieurs entraînements déjà avait naquit une flamme ardente qu'elle ne savait s'expliquer, ne reconnaissant plus après tant d'années une sœur qui pourtant foncièrement lui avait toujours été identique. À se leurrer les yeux fermés, aveuglées par leur propre confort, à s'illusionner dans quelques histoires, naïves, contées. Elles n'étaient plus dupes. Plus maintenant. À l'aube de devenir quelques bouts de jeunes femmes courageuses et battantes, l'une et l'autre à leur manière, elles semblaient chacune se détacher de l'autre, en quête d'elle-mêmes sûrement. De ces personnes qu'elles auraient voulues être, ailleurs, autrement. De ces rêves qu'Ivy, elle, poursuivait encore naïvement, poupée de porcelaine brisée par une réalité qui bien trop rapidement avait anéanti tout ce qu'elle avait toujours possédé. D'abord lui avait été arraché Ethan. Aujourd'hui était le temps d'Hilda.
Et elle le vit. Fier et la tête haute. Un frisson lui parcourut l'épiderme, déchirant et douloureux tandis que de son regard elle embrassait ses traits forts et terriblement impressionnants, discrète. Souris tapie dans l'ombre lorsque le prédateur arrivait. Elle n'était que cela. Qu'une simple proie, qu'une cible à abattre. Lui faisait frémir, soumettrait des foules entières. Un sentiment indescriptible qui se dégageait de sa simple présence, fascinant. Ivy s'en délectait, silencieusement, n'osant réellement se l'avouer quand bien même de toute part elle fut désarçonnée. Rien d'autre que cela. Un regard lancé à un homme. À un animal.
Le voyant s'approcher d'Hilda le regard de la jeune femme s'assombrit quelque peu, crainte soudaine pour la conservation de sa sœur, de son sang, systématique, automatique, écrit dans sa chair et dans son cœur, marqué au fer rouge depuis leur naissance. C'était ainsi. L'inconnu ne les avait jamais touchées ainsi. Les phalanges quelques peu blanchies, alors, la mâchoire serrée plus que de nature, déterminée. Il n'y avait que cela qui l'atteignait. La peur de perdre sa moitié. Ainsi elle les regarda du coin de l’œil. Quelques rires lui parvinrent, étouffés et discrets, quelques mots aussi, un surnom. Hanni. Et un sang qui se glaça mécaniquement sans qu'Ivy ne sache réellement pourquoi, dévorée d'une curiosité intense.

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Silencieuse. Elle demeura ainsi, stoïque, impartiale tandis que tous les regards se braquaient tantôt sur elle, tantôt sur sa sœur. Deux copies parfaites, identiques. L'une et l'autre de marbre. Hilda était forte. Bien plus qu'elle. Ainsi une larme s'échappa de son regard livide et triste, une unique et ultime larme salée, témoignage de cette souffrance intérieure, muette qui se frayait un chemin vicieusement tel un serpent aguerri prenant possession de toute sa raison bien trop aisément. Ainsi elle s'abandonna à la peine tandis que, la rangée de jeunes filles s'étant écartée, sa jumelle se dirigea la tête haute vers l'estrade, habillée d'une robe blanche, linceul. Elle le savait. Elle le sentait. Des frissons lui parcourant l'échine, quelques brûlures incertaines se bagarrant son cœur comme son corps entier. Cependant elle resta droite. Elle se le devait. Elle avait à être forte, comme elle. Comme ce modèle qu'elle avait jalousé. Comme cette personne qu'elle aurait aimé être. Comme Hilda.
Ainsi lorsqu'elle redressa le nez elle vit un sourire naître au coin de ses lèvres, triomphant quand finalement elle parvint à l'estrade. Fière. Elle l'aimait pour cela aussi. Cette faculté qu'elle avait d'ébranler toutes peurs et craintes en un sourire lumineux.
Un nom. Il retentit dans le micro, faisant frémir les enceintes. Il s'infiltra dans son esprit, s'écrasant contre chaque paroi de son crâne dans un vacarme épouvantable. Ivy battit des paupières à plusieurs reprises, suivant les regards qui tous se braquèrent sur un seul homme. Un seul monstre. Ses muscles saillaient au travers du haut qu'il avait revêtu, dans ce but même sûrement. Elle se plaisait à l'imaginer tout du moins. Charlie le dévisageait alors, ainsi silencieuse, son regard étant empreint d'une émotion qu'elle ne sut discerner, ou tout du moins ne voulut. Il y avait ce vent doux qui avec volupté se glissait sur les peaux nues. Il y avait ces quelques sourires, ces quelques larmes, ces quelques regards baissés, indignés, trop. Il y avait cette tension palpable propre à chaque moisson, terriblement saisissante. Il y avait Ivy. Il y avait de la peur. De la haine. Du mépris. Du désir. Et ces sempiternels battements de cœur irrépressibles, distincts, bruyants, tandis que les yeux vifs de la jeune femme passaient tour à tour de sa sœur à l'animal. Tous deux souriants comme jamais. Unis comme jamais, tel qu'Hilda le lui avait décrit naïvement. Et elle possédait cette étincelle qu'elle n'offrait qu'à la confiance, au coin de son regard. Imperceptible. Un brin de malice. Un brin d'espoir. Une vague folle et inespérée d'une stupide fierté démesurée.

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Elle s'écroula au sol, vulgaire pantin ayant perdu son marionnettiste. Quelques perles salées se glissaient sur ses joues rougies par la peur, rougies par la douleur, creusant de profonds sillons sur son teint de poupée. Les genoux abîmés par sa chute, les doigts s'enfonçant dans le sol meuble, les phalanges blanchies. Hurlant à l'amour, hurlant à la mort. Il y avait ses cheveux qui de sa natte soigneusement dessinée s'échappaient insolemment, il y avait ses lèvres qui en dépit de sa volonté tremblaient de manière irrépressible. Il y avait ce cœur amorphe, silencieux presque, comme l'écho d'un qu'elle aurait aimé écouter une dernière fois. Boum. Boum. Boum. Elle l'entendait. Boum. Un coup de canon qui ne fit que l'achever. Et lui ne battait plus. Effacé. Envolé. Ainsi elle s'effondra entièrement au sol, sa poitrine se collant contre la terre durant plusieurs secondes. Elle hurlait. Brisée la poupée de porcelaine. Brisés les espoirs et les rêves.
Soudainement elle se sentit soulevée de terre, enveloppée par des bras puissants et robustes qui lui empêchèrent tout mouvement. Il y avait un souffle saccadé qui venait s'échouer dans son cou. Une odeur familière de pain chaud et de poisson frais. Une odeur qu'elle ne reconnut pas, pourtant, trop peu elle-même. Une partie s'en était allée. Une moitié entière, même. Enserrée dans tout ce qu'elle avait possédé et une partie de ce qu'elle avait perdu, ironiquement, telle le parfum envoûtant de ses hier et celui terrifiant de son aujourd'hui. Douloureux. Lancinant. Quelques baisers échoués sur des joues humides, les yeux clos, toujours les yeux clos. Quelques mots réconfortants murmurés au creux de son oreille juvénile, une voix forte et courageuse qui la remit sur pied, quelque peu. Ils restèrent ainsi, sans rien dire dans la foule, elle les yeux fermés durant de longs instants, lui la serrant tout contre son cœur, droit et fier. Une respiration régulière. Un rythme auquel s'accrocher. Le rythme d'une vie, puisque la mort n'en avait plus. Hilda était la mort. Hilda n'avait plus de souffle.

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come back and haunt me

you don't know how lovely you are

Tu sais que tu ne seras jamais comme elle, Charlie ? Un cœur qui se serra, infime rétraction invisible. Elle le dévisagea de longs instants, silencieuse, sentant la haine se glisser sûrement trop aisément dans un corps terriblement fébrile. Tandis que l'enveloppe dans mille certitudes se leurrait, Ivy, elle, semblait s'enfoncer chaque jour un peu plus profondément dans les doutes et les peurs, dans les ombres et la douleur. Silencieusement. Ultime relique d'une personne qu'elle avait été, un jour, au détour d'un souvenir au goût ferreux et salé. Elle détourna le regard alors, un léger sourire mesquin se glissant sur ses lèvres amères et répondit, insolente provocatrice, glissant ses doigts sur le bois de son lit. Et toi tu sais que tu ne la ramèneras pas ? Tu sais qu'elle est partie, pas vrai Ethan ? Son sourire s'élargit, alors, d'une façon qu'elle n'aurait su contrôler tandis que, s'approchant de lui elle finit par se retrouver le visage à à peine quelques centimètres du sien. Encore un sourire. Et une voix qui a présent se faisait presque murmure. Elle est morte, pauvre idiot. Et porter son seul bien précieux sur toi chaque instant ne la fera pas revenir. Elle est morte. On l'a tuée. Alors cesse d'essayer de la faire revenir. Car, non, elle ne t'entend pas. Et toi tu ne la verras plus jamais. Triste sourire, triste mine, pourtant teintée d'un sarcasme qui jamais jusqu'ici n'avait été propre à Ivy. Celui-ci était à Hilda. Celui-ci était Hilda. Ainsi se glissant sur la pointe des pieds, elle embrassa la joue de son frère, enterrant la hache de guerre avant de se diriger vers son lit et de se glisser sous l'unique drap à sa disposition, tournant le dos à son aîné. Un souffle. Une bougie qui s'éteignit, laissant place à l'obscurité. Elle put entendre un léger rictus s'échapper d'entre ses lèvres. Infime. C'est drôle finalement quand on y pense. Tu désires tellement lui ressembler, devenir comme elle, forte, que tu en oublies même qu'elle était quelqu'un de bien. Quelqu'un de gentil. Ce n'est pas la seule à être partie. Tu t'es abandonnée avec elle.

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Un rayon de soleil vint caresser son visage, doucereux, parcourant ses traits fins, agile et malicieux. Elle demeura ainsi les yeux clos, se délectant de la chaleur des doux rayons de mars. Lorsqu'enfin elle entrouvrit les paupières, le visage de son frère lui arracha un sourire, léger, tandis qu'elle parcourait son visage endormi de son regard attendri. Il était dans l'ancien lit de sa sœur. Celui d'Hilda. Il dormait avec elle maintenant. Toujours. Confident. Insouciant, il l'était, bien plus qu'Ethan bien plus qu'elle. Attentif aussi. Elle l'aimait pour cela. Cette écoute qu'il lui offrait toujours, sans relâche, sans jugement. Jamais. Elle se souvenait encore de cette distance qu'ils avaient eu, un jour, arrière-goût âcre d'un passé sûrement trop douloureux duquel ses pensées s'éloignèrent rapidement. Ivy n'avait jamais été là pour lui, n'ayant d'yeux que pour son grand frère. Cela avait toujours été ainsi. Chacun admirait son aîné. Lui était le dernier.
Ainsi elle se redressa légèrement, embrassant sa joue au passage avant de se rendre dans la petite salle de bain familiale où elle se changea et natta ses cheveux soigneusement sans aucune raison particulière. Elle n'en avait pas besoin, plus maintenant. Charlie agissait selon ses envies.
Sortant finalement elle retourna dans sa chambre où l'attendait son petit frère, assis sur le rebord de son lit. Sous les rayons de soleil ses cheveux emmêlés et ébouriffés possédaient ces reflets automnaux, terriblement séduisants. Si elle avait quelqu'un à admirer aujourd'hui c'était lui.
Il lui offrit un sourire, lumineux, qu'elle lui rendit tandis qu'elle vint s'asseoir face à lui, leurs genoux se touchant presque. Son regard noisette se baissa quelque peu tandis que Ivy, elle, l'observait silencieusement. Il restèrent ainsi plusieurs instant, muets. Semblables. Puis il brisa le silence, ne se risquant cependant toujours pas à croiser son regard. Il y perdrait probablement ses mots. Tu sais, cet homme dont on a parlé hier. Celui qui a tué Hilda. Tu comptes lui faire quoi ? Je sais que tu vas lui faire quelque chose. Ca se voit. Un sourire, léger se glissa sur le visage de la jeune femme. Elle ne s'était pas attendue à cela. Il avait le don de la surprendre, toujours. Et tandis que son cœur hurlait à la vengeance, empreint d'une haine sans limite qu'elle avait cultivée durant des années déjà, de sa voix fluette et tendre, elle lui répondit, glissant son index sous son menton dans le but de plonger ses prunelles dans les siennes. Je vais simplement le lui faire payer.