SAND AND BLOOD.

Main dans la main, nos doigts entremêlés, on ne se séparait pas. Nous étions deux enfants perdus, deux orphelins que personne ne voulait garder bien longtemps. On ne nous désignait pas du doigt, on n'était pas connu, on passait de maison en maison, on demandait l'asile, on était transparent. Ça nous plaisait. Au moins, personne ne venait nous emmerder. A l'école, il y a toujours des cons, c'est pas une surprise. Ça nous arrivait de nous faire traiter de "bâtards" et qu'on n'est aucune pitié pour nos pauvres sentiments. Certains croyaient tout simplement qu'on était les fils des putains du Maire du district sept. Il aurait eu différentes maitresses au cours des années et on serait le fruit de deux unions différentes. Nous n'étions peut-être pas frères. Néanmoins, on s'en fichait pas mal des langues de serpent. Nous, on s'aimait beaucoup et c'est ce qui comptait. On puisait notre force dans la présence de l'autre. On se consolait mutuellement et en silence. On se comprenait en un regard, en un clin d'oeil. Parfois, j'aimais tellement Owen -c'est ainsi qu'il se nommait- que je prenais les coups à sa place. J'encaissais et ça ne me rendait que plus heureux. Je m'occupais de lui, je prenais en charge tout ce dont nous avions besoin, je ne le quittais pas. Owen était le plus jeune de nous deux, alors il me revenait de droit la responsabilité de notre survie au sein du district. Évidemment, nous étions pauvres. La mendicité faisait partie de notre quotidien. T'inquiète pas Owen, j'te donnerai le pain qu'on achètera ce soir. Je lui arrachais un petit sourire et fourrais mes doigts dans ses cheveux en les bataillant. Il riait aux éclats sous l'effet de la surprise, mais redevenait sérieux et se plaignait. Je sais pas si j'pourrais... j'ai trop faim. Je soupirais. Tu sais qu'ils ne nous donneront pas à bouffer Owen, ça sert à rien d'aller pleurnicher là-bas. On leur offrira pas ce plaisir. Parfois, notre famille d'accueil avait la gentillesse de s'occuper de nous, de nous nourrir et nous soigner. D'autres n'avaient pas ces idées en tête et nous laissait crever de faim. Tu prendras mon pain, j'verrais ce que je me trouverai. En vérité, je ne savais pas si je pourrais tenir à jeun jusqu'à demain matin. Plus j'y pensais, plus je stressais. Qu'allait devenir Owen sans moi ? Si je crevais, où ira-t-il, où dormira-t-il, où trouvera-t-il de l'argent pour s'acheter une miche ? Je le serrais alors fort dans mes bras. Non, il ne fallait pas qu'il m'échappe. Owen est si fragile, si pur, si innocent qu'il ne survivrait même pas deux jours dans cette putain de ville. Je le considérais toujours comme un enfant, même s'il avait quatorze ans cette année. Moi, j'en avais seize. L'année prochaine, je quitterait l'école. On y allait pas souvent, mais les pacificateurs nous y emmenaient lorsqu'ils nous voyaient dans les rues. C'était obligatoire, seulement on avait pas d'autre choix que de trouver de la bouffe. Pourquoi on change pas de famille Ric ? Je voyais bien qu'il luttait pour ne pas pleurer. Je déteste quand il fait ça. Je ne supporte pas la vue de ce petit corps torturé, encore moins ce visage encore enfantin. Je luis susurrais alors des mots tendres à l'oreille. Au moins, s'il dormait, les heures passeront plus vite. Chuuuut mon doudou. Je déposais mes lèvres sur sa tempe gauche, puis sa joue, et enfin sa bouche rose en forme de cœur. C'était comme ça. On s'aimait.


Vous pouvez pas le laisser comme ça! Il va crever putain! Je m'égosillais dans la salle de ce guérisseur maudit. Je lui criais que mon frère était malade à en cracher du sang sur le parquet, mais monsieur ne voulait rien entendre. Tout ce dont il espérait de ma part, c'était que je lui montre les belles formes de pièces du Capitole. Je n'en avais évidemment pas, surtout pas la quantité qu'il réclamait. Seulement, il y avait une vie en danger derrière tout ça. Cet homme ne pouvait pas me regarder dans le blanc des yeux et refuser d'un geste de la main, c'était impossible, c'était interdit. Un enfant était en danger. Mon frère allait crever. Mon frère, mon coeur, mon doudou, mon mignon, mon amour, mon âme soeur. Des larmes commençaient à vriller sur mes joues lorsqu'on me sortit de force de la pharmacie. Mes mains tremblaient, non pas de froid, mais de panique. Je ne savais plus quoi faire, ni quoi entreprendre. Je ne pouvais plus penser, ni anticiper quoique ce soit. C'était la fin. La fin. Je ne pouvais plus rien faire pour Owen. Je chialais en plein milieu de la rue et puis je m'enfuyais de ce satané carrefour où la cupidité crève les yeux des commerçants. Je rejoignais mon petit frère sur son lit de malade. La seule chose que je pouvais faire à présent était être à ses côtés... jusqu'à la fin. Rien qu'en m'y rendant compte, je chialais de plus belle. J'arrêtais seulement de pleurer lorsque je me trouvais face à la porte de sa chambre. J'entendais d'ici sa respiration saccadée et son souffle brûlant. J'entrais en inspirant un bon coup et en essuyant mes joues gonflées. J'avais un mauvais pressentiment ce soir-là, celui que je ne reverrais plus Owen en vie le lendemain. Et la nuit eut raison de mes peurs. Au petit matin, alors que je me réveillais à ses côtés, les yeux bouffis et le front brûlant, mon regard se posa sur les lèvres aussi pâle que la lune de mon doudou. Un froid étrange s'empara de mon échine et je ne respirai pas durant quelques secondes. Owen était parti pour toujours, il m'avait quitté et j'avais même pas été foutu d'être là, de lui dire au revoir, de la voir quitter ce monde et entrer dans un meilleur. Coup électrique, choc intersidérale, et puis je me lamentai sur son petit corps inanimé. Mon Owen.  


Je suis fort, je suis puissant, je suis confiant. J'entrais violemment dans la maison en faisant voler la porte en mille morceaux. Ma cible ? Les habitant de ce petit carré de terre, les même qui ont laissé crever mon Owen de pneumonie. Des meurtriers et pas n'importe lesquels. C'étaient les bourreaux d'un enfant, le plus pur d'entre tous, le plus mignon, le plus doux, le plus innocent. La vie est une garce, disait-on au quartier général. Seulement, je ne crois pas au destin. Tout arrive pour une raison. Tout est le fruit de conséquences d'actions passées. Aujourd'hui, la logique suivait le cours de l'histoire. J'avais réussi à être pacificateur pour quelque chose. J'avais un but depuis le début de mon engagement. Revenir dans le district sept et accomplir ma vengeance. Le couple de guérisseurs n'allaient pas s'en sortir les mains dans les poches. Non, j'allais user de tout mon pouvoir pour les arracher l'un à l'autre, pour les détruire petit-à-petit. Je n'allais pas les exécuter sur la place de la ville. Ce serait beaucoup trop simple et en vérité ce serait un acte criminel. J'allais venir le plus souvent chez eux, j'allais les emmerder, leur sucer les os, les effrayer au plus point qu'ils rêveront de moi la nuit tombée. Des cris retentissaient dans la maison. J'entrais sans gêne, la matraque blanche à la main. Halte, perquisition! Criais-je. Aucun motif pénal en vue, je voulais tout simplement les effrayer, leur montrer que j'étais revenu plus fort qu'eux et qu'ils allaient le payer. Toi! Je montrais une jeune fille blonde, sûrement leur progéniture. Je n'y avais jamais fais attention, pourtant elle était belle. Je ne m'étais pas souvent intéressé au fille, mais je devais avouer que celle-ci était assez authentique. Une rose parmi un tapis de pâquerettes. Elle, fille des guérisseurs ? Qui eu cru que de tels personnes puissent engendrer une aussi magnifique créature ? Néanmoins, je ne sourcillais pas. Mon but n'était point dévier. Tant qu'Owen résidait dans mes pensées, je n'abandonnerai pas. En désignant la jeune fille de presque mon âge, je la pris par le bras. Elle commença à se débattre et à crier le prénom de ses parents. Je n'en avais que cure. Au diable ses chamaillerie, elle m'énervait déjà d'ailleurs. Ferme-là ma petite où je m'occupe de toi à l'arrière du magasin. Mes pulsions meurtrières se mélangeaient aux sexuelles. Je sentais l'excitation me parcourir les veines. Je n'aurais eu qu'à me pencher pour arracher à cette fille un baiser dévorant. Les parents arrivèrent enfin. La peur se peignait sur leur visage. Bien, j'en oubliais presque la fille. Je leur fis un sourire machiavélique. J'ignorais s'ils me reconnaissaient ou pas. Monsieur et Madame Sewell, quel bonheur de vous revoir après une si longue séparation. Je remarquai les traits interrogateur de la femme, puis l'éclaircissement de ceux de l'homme. Il se souvenait. Je m'approchais de lui, doucement, en jouant de la matraque avec mes doigts. Vous avez là une bien jolie jeune fille. Je poussais l'accent sur le mot "jolie". Ce n'était pas la première fois que je menaçais des gens, alors je ne ressentais plus l'embarras d'être aussi dégueulasse qu'un père de famille qui paye une visite aux putains. Qu'est-ce que vous voulez ?! Je secouais la tête et claquais ma langue contre le palais. Ne me parlez pas sur ce ton citoyen. Je le rabaissais ouvertement. Mes collègues ne posaient pas de questions. Je les avais pris sur le tri, m'assurant qu'ils n'avaient aucun avertissement à l'encontre de leur devoir pour l'ordre de la population. C'est une perquisition et j'ai l'intention de tout fouiller de fond en comble, vous permettez ? J'élargissais mon sourire et n'attendais même pas sa réponse puisqu'il ne pouvait que se plier à mes ordres. J'avançais alors dans la maison, la tête haute, la poitrine emplie de rancœurs. A quoi vous jouez ? Vous ne trouverez rien ici. Evidemment que non, mais je pouvais cependant mettre leur foyer à sac. Je me tournais vers mes collègues. Allons-y les gars, n'hésitez pas à percer les matelas et arracher le parquet si quelque chose vous semble suspect, enfin la procédure habituelle quoi.