(léo) who's your daddy?

INSTEAD OF BEING SIXTEEN I'M BURNING UP A BIBLE. Dès les premières lueurs du jour, la nouvelle tombe sur le Capitole. La foule effrayée se réunit derrière ses brillants écrans de télévision — pâlissant sous ses épais masques vifs. Anatole Bellamy a été assassiné la nuit précédente lors d'une visite dans le district neuf. On ignore alors qui a lâchement orchestré le crime. L'enquête est ouverte, néanmoins. Et, qui que ce soit, l'exécution l'attend de pied ferme. C'est le souffle court que Léo se réveille ce matin-là, alerté par les bruyants pleurs de sa mère. Du haut de ses sept ans, il se défait des épaisses couvertures de son lit et se rue dans le hall, craignant le pire. Il ne peut qu'entrevoir le corps affaissé d'une femme brisée par le chagrin tandis que deux officiels du gouvernement tournent les talons et s'enfuient dans la lumière du dehors. De ce jour-là il ne se souviendra que des hurlements déchirés de sa mère et de sa propre rage, bouillonnant dans le creux de son ventre.

MISS JACKSON, ARE YOU NASTY? Un tendre souffle égaré, la douce fragrance du pêché consumé se miroitant dans l'atmosphère — Léo grimace. Dans quelques instants, il ordonnera à la jeune femme de le laisser. Elle a accompli sa tâche et ne lui est donc plus de la moindre utilité. Voir son corps mutilé par ses cruelles intentions, son teint de porcelaine souillé par les marques de son désir, aussi succinct que bestial...  — elle doit partir. D'un bref hochement de tête, il lui indique la sortie, évitant de croiser son regard. Obéissante et docile, la tremblante créature obtempère. Elle a peur, il le sait. Après ce qu'il lui a fait subir, il n'y a rien de moins étonnant. La porte claque. Il soupire. Un sentiment de paix envahit alors la pièce et ses lourdes paupières se ferment. Léo a dix-sept ans. Il est nu, épuisé. Il sent ses muscles se relâcher, sa peau frissonner en l'absence de l'autre. Enfin, il est seul.

AND THE SAINTS WE SEE ARE ALL MADE OF GOLD. Après la soudaine disparition de son père, la vie a poursuit son cours. Dans le Capitole où règne le luxe et l'excès, Léo a trouvé sa place. Son mépris exacerbé pour la plèbe n'a jamais défailli, ne s'est jamais affaibli. De temps à autres il leur rend visite, accompagnant des équipes officielles de la télévision. Il observe et ne dit rien. Le dégoût qui se lit dans son regard suffit. Et même s'il ne prend pas part à l'enthousiasme Capitolin des jeux, les regarder mourir sous ses yeux lui procure une satisfaction monstre. Quels êtres pathétiques. C'est tout ce qu'ils méritent. Être réduits au statut d'animaux, de créatures bestiales luttant pour leur propre survie. C'est un amusant spectacle, en fin de compte. Car jamais il n'oubliera que ce sont eux qui ont causé la perte de son père.