the north remembers ❆ (SNOWHAWKE)

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Ça n'avait aucun sens pour les deux enfants. Pensifs, leurs yeux étaient rivés sur la mer déchaînée en contrebas ; le vent glacial semblait soulever les vagues avec encore plus de férocité que d'ordinaire. Le ciel était gris, l'eau était grise, leurs visages étaient gris, mais leur interrogation, elle, était bien vivace : pourquoi le président voulait-il repêcher deux jeunes gens à chaque année que l'on ne reverrait plus ? Pourquoi cet événement était accompagné de fastes célébrations à la télévision alors qu'ici-bas, au District Quatre, c'était d'habits noirs et de lumières de chandelles que l'on suivait le périple des élus ? Certes, les deux enfants n'étaient pas stupides ; ils savaient pertinemment que les Jeux étaient signe de mort. Dans un district comme le leur, il n'était pas rare d'y assister - non pas par la famine ou la maladie, mais le froid fauchait au moins une dizaine de gens chaque année dans leur petit hameau au nord du district. Non, ce qui les tracassait réellement, c'était le pourquoi du comment. On leur enseignait bien entendu la version officielle à l'école depuis qu'ils étaient bambins, mais le concept était encore trop nébuleux pour leurs esprits candides.

- Tu veux d'autres gammares ? demanda innocemment la petite fille.

Le garçon secoua la tête, continuant sa contemplation de l'immensité. Il s'appelait Nathaniel ; fils du maire, peu de gens auraient pu parier qu'il se mettrait à traîner avec la progéniture du gardien de phare, famille loin de briller pour leur richesse. Néanmoins, le destin les avait rapprochés suffisamment pour qu'ils soient en train de grignoter des gammares tout en contemplant le panorama maritime. Au loin, quelques bateaux rentraient de la récolte quotidienne, flottant paresseusement sur la houle excitée. L'odeur de sel persistante donna à nouveau faim à la gamine, qui porta un nouveau gammare à sa petite bouche rose cerclée de taches de rousseur avec un plaisir sadique. La crevette miniature remua encore quelques secondes sous ses dents avant de finalement rendre l'âme, libérant son goût salé caractéristique. Une fois la gâterie avalée, la rouquine soupira avec mélancolie.

- J'aimerais voir ce qu'il y a de l'autre côté, admit-elle.

Nathaniel lui répondit en haussant les épaules. Aurelianne Snowhawke était comme cela. Sous des airs de dure, elle tentait de dissimuler son esprit profondément rêveur. Quels mystères pouvait bien dissimuler l'océan ? Et au-delà du district ? Lorsque son père lui avait appris l'existence des barrières aux frontières du secteur, la fillette n'en avait pas cru ses oreilles. Ainsi, il existait des limites à leur univers ? Elle ne voulait pas y croire. Et surtout, elle refusait d'admettre que seul le Quatre était emprisonné de la sorte. Mais qu'espérait-elle trouver une fois sortie de sa province, même elle n'aurait pu le dire.

« Tais-toi et accepte. » Voilà ce que la maîtresse lui avait dit lorsqu'elle avait osé poser ces milles questions. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Elle devait savoir. Mais elle avait au moins appris à la fermer en attendant la révélation, mise en attente face à ses propres désirs.

- Il commence à faire froid, dit Nathaniel en remontant son manteau jusqu'à son menton. On devrait rentrer.

Aurelianne hocha imperceptiblement la tête, caressant sa cicatrice au bras d'un air pensif. Un jour, elle verrait ce que cachaient les barrières. Elle se le promit.