(F) JENNIFER LAWRENCE ­❖ everything should be fine. should.

Sa respiration était haletante, alors qu’il se rhabillait et que sa prétendante réajustait ses habits de toute beauté. Il ne la regardait pas. Il se détestait. Tout avait commencé avec la mort de sa mère, de sa pauvre mère, Rhéa. Il n’avait jamais su comment elle était morte, mais l’important restait qu’elle était morte, et que rien n’y changerait rien, rien du tout. Pour seul héritage, elle lui avait laissé une lettre, d’une longueur discutable, lui expliquant que s’il lisait cette lettre, elle était soit partie, soit morte et qu’il n’était désormais plus un garçon innocent mais membre d’une famille. Pas celle de son père ceci dit. Une sœur. Demie-sœur. Il aurait voulut ne jamais en avoir eu une. Il ne la déteste pas. Non, il ne la méprise pas non plus. Justement, c’est bien ça le problème. Il l’aime, de tout son cœur. Il l’aime plus qu’il s’aime lui. L’ordre naturel des choses voudrait qu’elle soit là pour le protéger, elle aussi. Mais il en avait décidé autrement. Il devait, en tant que garçon, être celui qui subviendrait à leurs besoins. Il était celui qui serait en charge des finances. Parce que sa situation, même quasi précaire, n’était pas aussi désastreuse que celle de sa demie-sœur. Il était rentré dans une rage folle quand il avait apprit certaines choses. Il n’avait trouvé que ce moyen, ce moyen infect, de subvenir aux besoins de sa sœur. Il ne pouvait rien faire de plus. Il n’avait aucunes capacités quand il avait décidé de prendre ce job illégal comme source de revenus. Et désormais, depuis des années maintenant, il exerçait son corps contre celui de femmes du district sept. Les pressions étaient énormes. Il fallait que le service proposé soit dans la limite des moyens des clientes et que le service reste secret, car illégalement implanté dans le district. Chaque jour un peu plus, il devait faire attention à ce qu’il disait, à qui il parlait, pour éviter de risquer sa vie. Il risquait sa vie, littéralement. Jamais avant, avant toute cette folie furieuse, il n’avait souhaité risquer sa vie. Mais sa sœur avait impliqué de nouvelles responsabilités. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle n’avait aucune idée de tout ça. Et désormais, même son corps le dégoutait, même son propre corps lui donnait la nausée. Il ne se regardait plus dans la glace de leur maison, héritée de son père, mort. Il était juste parti, un jour. Et désormais, ils vivaient tous les deux dans des maisons différentes, celle-ci plutôt froide, plutôt sans âme, plutôt immonde. Et les glaces n’étaient plus des objets qu’il affectionnait. Il les détestait. La vision de son visage dans une glace lui donnait la nausée, l’envie de s’enfuir, de ne plus vivre. Le plus dur avec ce travail, lui avait-on dit, c’est de s’accepter tel qu’on est, désormais. Mais c’était bien le plus difficile. Accepter de vendre son corps avait prit des mois. Au début, il avait refusé, mais en voyant l’état dans lequel se retrouvait sa sœur, il avait changé d’avis… Et depuis, il exerçait ce travail, clandestinement. Il n’en parlait jamais. Il y avait évidemment cet autre job, l’officiel. Il exerçait ses talents de propreté dans une école du district, en tant que concierge, où il passait environ six heures de son temps pour un salaire minable. Effectivement, de cette perspective là, vendre son corps et ses bijoux de famille était un travail génial. Mais comment vivre avec ce secret, éternellement? Elle devrait bien découvrir un jour le pot aux roses, sa sœur. Il faut apprendre à vivre avec soi-même. Il reprit son t-shirt et le réajusta sur son corps svelte et en sueur. Il n’avait pas le temps de prendre une douche. Pas ici. Il ne voulait pas rester dans cette pièce pleine de leurs ébats sexuels, de ce métier qu’il haïssait mais qu’il était obligé, pour le bien de sa sœur, d’exercer. Utiliser son corps, ce n’est pas facile. Ce n’est pas sympathique. Mais que peut-on faire contre la pauvreté, quand on a que ça? Alors, il va voir les gens, li se fait payer, et la routine commence. Il n’utilise son corps qu’avec les femmes. Exercer ce métier avec des hommes, non. En réalité, il préférerait. Mais les conditions sont trop dangereuses. Exercer ces activités en privé est moins dangereux. Et il aimerait au moins préserver un des deux sexes pour son propre plaisir. Juste pour lui. Son cœur ne balance pas pour ses clientes. Il trouve les courbes des femmes disgracieuses et laides. Leurs cheveux sont souvent trop longs, leurs seins trop imposants. Il préfère de loin les courbes des hommes. Des muscles saillants, des mâchoires bien dessinées. Sans un regard, sans un mot, il rouvrit la porte de la chambre de sa cliente, se dirigea vers la salle à manger de la maison, prit son du. Il se faisait payer une petite fortune (si on veut) pour ces services gracieux. Il sortit de la maison avec fureur, et prit le chemin de la sienne, en passant par des endroits où aucune lumière ne l’éclairait. Il se déteste, petit garçon, devenu grand, devenu prostitué pour sa sœur. Un homme parmi d’autres, dans une nation injuste. Soren Braddock.