Sometimes we deliberately step into those traps I was born in mine; I don't mind it anymore. Oh but you should, you should mind it. I do, but I say I don't

Le froid saisissant de l’hiver de ses quinze ans était implacable. Malgré tout, Ycarus devait aller travailler, peu importait le froid de canard résgnant sur le district, peu importait son manteau troué qui laissait passer l’air sec et glacial qui régnait dans les bois. Pour manger l’adolescent devait travailler et encore, son travail ne permettait pas à sa mère et lui de se nourrir correctement. Néanmoins, comme tous les jours, le brun sortit de chez lui sa hache dans ses mains gantées à l’aide de chiffon rapiécé ainsi que ses couteaux de cuisine attaché à la cheville. Les couteaux d’Ycarus étaient sa petite fierté, il lui avait fallu du temps pour briser la garde afin d’équilibrer la lame parfaitement d’un bout à l’autre. Il lui avait fallu plus de trois mois pour arriver à planter correctement le couteau dans une cible, mais vu que cela faisait plus d’un an qu’il s’entrainait à chasser avec ses couteaux, il les maniait désormais parfaitement. C’était pourtant une arme rudimentaire, des couteaux qu’il s’était échiner à aiguiser et qui ne payaient véritablement pas de mine. Pourtant, ce matin là comme tous les autres, il les avait sur lui, caché sous le tissus épais de son pantalon. Comme souvent, avant même qu’il n’atteigne le lieu d’abattage, sa cage thoracique se soulevait rapidement, témoignant de la difficulté qu’il avait à trainer sa hache en plus de sa carcasse. Le froid était mordant et tout en resserrant son écharpe autour de son visage et son cou, le jeune homme ne pu s’empêcher de pester contre ce climat rigoureux qui ne laissait aucune chance aux plus faibles.
Une fois arrivé au niveau du groupe d’homme avec lequel il devait travailler, naturellement le brun s’installa sur un des troncs d’arbre étendu à même le sol alors que les autres riaient tout en partageant un peu de soupe chaude. Recroquevillé sur lui-même, ses bras serrés contre sa poitrine, l’adolescent avait bien du mal depuis quelques temps. Peut-être était-ce la fin ou bien la fatigue dont il souffrait, son corps soumis à de trop rudes épreuves. La bicoque dans laquelle il vivait avec sa mère avait bien du mal à chasser le froid qui s’était abattu sur le district et plus le temps passait, plus Ycarus semblait perdre ses forces. « Tiens petit, tu vas mourir de froid si tu bouges pas un peu. » Elios, surement le membre le plus âgé de leur groupe lui tendit un bol fendu dans lequel reposait un peu de soupe. La main réconfortante d’Elios sur son épaule sembla le réchauffer ou alors il s’agissait du liquide brulant qui se frayait un chemin jusqu’à son estomac. La soupe était fade et insipide, il n’y avait surement que de l’eau et quelques maigres légumes, cependant ce petit rien offrit un réconfort incroyable à Ycarus qui n’en pouvait plus. Il avait besoin de ça. Il avait besoin de ce bol fendu qui laissait son contenu s’échapper avec une lenteur effrontée. Il avait besoin de ce liquide brûlant qui crama sa langue l’empêchant de gouter à sa juste valeur se jus infâme qu’ils devaient se contenter de boire alors qu’une journée de travail pénible les attendait. Néanmoins, à cet instant, le jeune brun ne pensait qu’à la soupe qui semblait irradier depuis son estomac. La chaleur qui se rependait doucement dans ses membres était exquise et si le matin même on lui avait dit que par un froid pareil il allait se sentir aussi bien, il ne l’aurait jamais cru. « Mer…merci. » Souffla le garçon d’une voix rauque tout en rendant son bol vide à Elios. Dans un sourire franc et sincère, l’homme récupéra le bol tout en hochant la tête comme pour lui dire que ce n’était rien, rien qu’une petite attention normale. Peut-être que c’était vrai, peut-être que ce geste n’était trois fois rien, sauf que pour Ycarus c’était beaucoup. C’était autre chose que les railleries des gamins de son âge, que les regards méprisants que les adultes pouvaient lui jeter alors qu’on parlait de lui comme du sale rejeton Larkin. Oui, le gosse de la gamine qui s’est faite engrossée avant même d’avoir eu la majorité.
« Ton écharpe, mets la bien comme ça, puis respire uniquement par le nez. » Souffla Elios tout en replaçant correctement l’écharpe d’Ycarus sur son visage. Serrant le tissus assez fermement pour qu’il tienne, l’adulte fit un nez tout en continuant à sourire. Dans les traits de cet homme on pouvait y lire les hivers rudes qu’il avait affrontés ainsi que les affres de la vie. A croire que les sillons que la vie avait creusés sur son visage témoignaient de ce qu’il avait vécu. Hochant lentement la tête, le garçon se leva tout en récupérant sa lourde hache avant de se trainer jusqu’à l’arbre qu’il devait abattre avec un camarade. Ce travail était pénible, les muscles de ses bras au bout d’une heure étaient extrêmement douloureux. Ycarus cherchait la force dans ses ressources de soulever encore et encore sa hache, mais c’était de plus en plus difficile à faire. Ses vêtements épais ne le protégeaient plus du froid désormais, ses vêtements l’étouffait, il avait chaud, il avait soif et il n’en pouvait plus de ce climat, il n’en pouvait plus de ce boulot. Malgré tout il continuait à taper encore et encore sur la base de l’arbre jusqu’à ce qu’à travers la symphonie de bucherons travaillant en rythme il ne puisse entendre son collègue lui dire que c’était bon.
Ce n’était pas une vie. Ca n’avait rien d’une vie de se lever le matin, d’aller travailler dans des conditions d’une dureté sans pareille avant de rentrer à la maison le ventre vide, parfois un écureuil pendu à la taille. Pourtant il s’agissait là du quotidien. Un quotidien toujours plus décevant. Cependant, une fois pris dans l’engrenage il était malaisé de s’en sortir. Petit à petit anesthésié par cette routine lancinante, le jeune homme ne se rendait pas compte de l’effroyable destin qu’il se préparait inconsciemment. Il devait sortir de cette spirale, faire quelque chose, lutter à sa façon. Bien sur il ne pouvait pas plaquer son boulot, ni s’en aller sans un regard en arrière. En attendant, il pouvait toujours se défendre, lever les poings, refusés les attaques cinglantes, refusés les coups bas. Il pouvait se redresser, cesser de courber l’échine et être un Larkin. Être un battant, même si ça devait lui mettre un pied dans la tombe. Même si ça devait lui mettre le reste du district à dos. C’est certainement ce matin là, au décembre de sa vie qu’Ycarus y pensa pour la première fois. Pour la première fois il était prêt à rendre les coups.  


Au-delà du brouillard c'est toujours le brouillard. Dedans parfois je crois que je suis soleil levant et mes rêves s'éteignent les uns après les autres. A chaque pas de plus,c'est toujours un de moins
Ycarus avait bien changé en une année. Comme l’été qui reprend ses droits. L’enfant taciturne qui baissait les yeux lorsqu’on lui adressait la parole avait disparu. Depuis, il était devenu l’adolescent beau et fort qui effrayait les plus jeunes. Certains disaient l’avoir vu piquer une colère contre un gamin de son âge, on n’avait pas vu ce dernier de la semaine et lorsqu’il était retourné au travail c’était le visage encore légèrement tuméfié. Les rumeurs allaient bon train au sujet du bâtard, mais personne n’y faisait rien. Aucun pacificateur n’était venu le voir suite aux rumeurs, ni aux actes de violence qu’il avait commis ou qui avaient étés commis à son encontre. Les pacificateurs fermaient les yeux sur ce qu’ils voulaient bien et ces deniers n’avaient jamais cherché à protéger le jeune Larkin, peut-être était-ce parce que la mère de ce dernier refusait de se faire sauter par leur chef, personne n’en savait trop rien, mais tout le monde avait eu vent de cette injustice. Personne n’agissait et la bicoque des Larkin faisait partie maintenant d’une zone de no man’s land. Personne n’osait se rendre jusqu’à la petite baraque défraichie de cette famille. Personne n’osait aussi s’approcher du jeune garçon, il faisait trop peur, il était trop violent. Avec le temps les muscles du brun s’étaient développés et son métier de bucheron se fit moins rude. Il n’empêchait qu’Elios avait cessé de le protéger et de le couver depuis longtemps déjà.
Ce soir là, comme souvent, c’est avec deux écureuils à la taille qu’Ycarus se rendait chez lui. Il était fier de ses prises et le jeune homme pensait même pouvoir obtenir quelque chose de la peau des bêtes. Un léger sourire aux lèvres, le manche de sa hache en main alors que celle-ci se reposait sur son épaule, le garçon avait l’impression d’être au printemps de sa jeunesse. Il ne s’agissait là que d’une impression, mais c’était déjà beaucoup pour le jeune homme dont le pessimisme était maladif. Un bruit sur sa gauche attira son attention. Habitué aux sons de la forêt et aux animaux la peuplant, sans aucune difficulté le bucheron reconnu le craquement sec d’une brindille. S’arrêtant, c’est sans aucune hésitation qu’il pointa sa hache en avant comme s’il s’agissait d’une arme. Quatre garçons plus ou moins âgés sortirent alors de leurs cachettes se gorgeant de leur autosuffisance hautaine. Ycarus leur lança naturellement un regard plein de mépris alors qu’extrêmement tendu il s’attendait au pur venant de ces idiots.
« Alors comme ça on voudrait devenir menuisier. Qu’est-ce qu’il y a mon pauvre Larkin, ta vie misérable te suffit plus ? » Sa machoire se crispa naturellement alors qu’il tentait de ne pas réagir à cet attaque. Depuis tout petit il était martyrisé par les autres enfants du village. Depuis tout petit ils étaient traité comme un moins que rien car il ne savait pas qui était son père. C’était pas de sa faute. C’était pas de sa faute si son père était un enfoiré incapable d’assumer ses conneries. Il avait pas demandé à naitre, il avait pas demandé à ce que sa mère le garde et lui impose cette vie de merde qu’il devait subir jours après jours. « Qu’est-ce qu’il y a mon petit Ycarus ? On a avalé sa langue ? » Sans rien dire, habitué depuis le temps à ignorer les mauvaises langues, le brun ne prit pas la peine de répondre se contentant de se remettre à marcher. Sauf que deux idiots lui bloquèrent le passage, l’empêchant par la même occasion de s’échapper de cet affrontement tout sauf réglementaire. « Qu’est-ce que tu veux Ianek ? T’as pas quelqu’un d’autre à emmerder avec tes conneries ? » Dans cette moue détestable qu’il maitrisait mieux que quiconque, Ianek offrit un de ses sourires suintant de mauvaises intentions à Ycarus tout en passant une main dans ses cheveux. « Je vois qu’on a retrouvé l’usage de la parole, c’est intéressant. On dirait qu’en plus d’être le bâtard d’une sale pute tu as une paire de couilles. » Sans même réfléchir, Ycarus leva sa main tenant la hache l’envoyant en avant sans prendre la peine de viser. Son instrument de travail alla se planter un mètre sur la gauche de Ianek alors que déjà le lanceur se jetait sur l’idiot. Lançant son poing en avant, ce dernier s’écrasa sur la mâchoire du sale gamin qui une fois de plus avait été trop loin. Poussant un cri de fillette, Ianek se débâtit sans savoir que faire pour se défendre tout en appelant ses larbins à l’aide. Faisant une roulade, sa main alla naturellement chercher les armes cachées sous son pantalon. Cependant, le plus costaud de ses assaillants l’attrapa avant qu’il ne puisse esquisser un mouvement. Les mains de son bourreau agrippé à ses épaules le pressèrent contre le sol alors qu’un point s’abattait dans le creux de son estomac. Habitué à être passé à tabac, Ycarus leur refusa le plaisir de le voir gémir. Tâchant d’être le plus silencieux possible, il se laissait battre alors que sa main s’approchait doucement de sa cheville droit où était caché en permanence les couteaux dont il ne se séparait jamais.
Lorsque ses doigts rentrèrent en contact avec le métal tiède, un soupire de soulagement s’échappait de sa gorge. Son œil droit commençait déjà à être tuméfié alors que sa lèvre inférieure était entaillée. La douleur qui se répandait dans son visage et son estomac allait le hanter un moment. Il n’y pensa néanmoins pas lorsqu’il posa son arme sur la gorge de la brute épaisse en train de lui passer une correction. « Si tu tiens à ta vie je te conseil de me lâcher tout de suite. » Non armé et pas aussi stupide qu’il n’y paraissait, la brute lâcha Ycarus avant de reculer. Se remettant sur ses pieds, la première chose que le jeune Larkin fit fut d’envoyer le couteau qu’il avait en main dans l’épaule d’Ianek tout en récupérant une autre arme. Courbé en deux, Ianek gémissait comme un bébé alors que les autres garçons présents regardaient le bâtard sans savoir ce qu’ils devaient faire : fuir ou rester et regarder le spectacle ? Ne se souciant guère d’eux, Ycarus attrapa Ianek par les cheveux avant de le trainer jusqu’à un arbre. Le dos du petit con pressé contre l’arbre, le jeune Larkin n’en avait pas fini avec cet ex bourreau. Naturellement, il posa la lame de son arme sur la gorge de cet enfoiré avant d’arracher celle qui était plantée dans son épaule. « Pour une fois tu vas m’écouter Ianek. Tu vas m’écouter bien sagement. Tu vas rentrer chez toi et tu vas dire, je sais pas trop, que tu t’es blessé sur le chemin du retour, une mauvaise chute et une branche t’es rentrée dans le bras. Puis, tu vas m’oublier d’accord ? Tu vas m’oublier moi et ma mère sinon… » Pressant la lame de son couteau un peu plus fortement sur la gorge de cet enfoiré de Ianek, l’envie de faire couler son sang, de le vider de ce précieux fluide qui l’emplissait le tentait énormément. Il n’aurait qu’à tuer les trois autres et personne ne saurait que c’est lui. C’était une idée comme une autre, mais Ycarus était encore trop lucide que pour se laisser aller à ses délires sanglants. « Sinon, je vais m’infiltrer chez toi à la tombée de la nuit, mais t’inquiètes pas, je vais pas directement aller dans ta chambre. D’abord je vais passer par celle de ta sœur, je me glisserais sous ses draps et tu vois, comme maintenant, je lui poserais d’abord une larme sur la gorge. Bien sur elle ne criera pas, elle rêve de ça, elle rêve de moi dans son lit alors que tu t’astiques à côté en pensant à elle. Puis je vais pas la manquer, quand elle aura assez crier mon nom pour que tu m’entendes arriver j’irais dans ta chambre et je m’occuperais de toi. Mais pas de la même manière, je vais prendre mon temps, juste te faire un peu mal, te rafistoler à ma manière. » Dans un sourire menaçant, Ycarus laissa mollement retomber la main tenant son arme le long de son corps. De sa main libre il attrapa Ianek par son épaule blessée tout en approchant son visage grimaçant de ce dernier. « T’as pas envie de me voir en colère Ianek. Vraiment pas envie. » Sans plus de formalité, il poussa le jeune homme vers ses amis tout en le faisant tomber. Regardant les garçons terrorisé qui lui faisaient toujours face, il ne pu s’empêcher d’afficher un sourire victorieux alors que ces derniers détalaient comme des lapins.
On a rien sans rien et on obtient ce qu’on mérite. Plus le temps passait, plus Ycarus devenait froid et distant, plus il refusait les boutades et plus une ombre se mit à planer autour de lui. Ce n’était pas grand-chose, quelque chose de différent dans son regard, quelque chose de différant dans sa manière d’être. Les ténèbres encerclaient son cœur et le jeune homme se laissait faire. C’était toujours mieux que de redevenir l’être misérable et méprisé qu’il était par le passé. Passant une main dans ses cheveux sale à cause de la poussière Ycarus leva les yeux au ciel en se demandant si cette fois on allait véritablement le laisser tranquille. A l’aide de sa main droite il frôla sa lèvre entaillé avant de frémir à cause du léger éclair de douleur qui traversa sa lèvre alors qu’il l’effleurait à peine. « Si c’est encore un coup de mon Ianek je vais l’étriper ! » Posant ses yeux sur la jeune femme qui s’approcha de lui comme une furie. Toisant celle qu’il considérait presque comme une potentielle amie, le brun ne daigna pas répondre, conscient que la réponse était plus qu’évidente. Avec un naturel déconcertant, la jeune femme se mit à palper le visage d’Ycarus tout en observant les réactions de ce dernier afin de contempler l’ampleur des dégâts. « Mon petit frère n’est qu’un idiot, pour la millième fois je m’excuse pour les agissements de cette idiot d’Ianek. » « Pas besoin Skamander, j’ai pas besoin de ça. » Lui tapotant délicatement la joue, la jeune femme se mit à sourire légèrement alors qu’elle fouillait dans son sac en ressortant un pot qui semblait à peine tenir encore en un seul morceau. Lorsqu’elle ouvrit le pot, l’adolescent pu contempler le baume à base de plante que son amie avait là. Sans qu’il ne puisse se débattre ou même refuser l’aide de la jeune femme, cette dernière étalait déjà la pate malodorante sur la lèvre du jeune homme. « Arrêtes de rechigner Larkin, ça va aider à cicatriser plus vite. » Soupirant tout de même, une fois qu’elle eu fini d’étaler le baume, il recula d’un pas tout en ronchonnant. « Arrêtes de m’appeler Larkin, mon prénom c’est Ycarus ! » « Arrêtes de m’appeler Skamander, après on verra. » La jeune Skamander était, sans aucun doute, la seule personne à s’intéresser à lui comme le ferait sa mère dans le district. Il n’empêchait qu’Ycarus avait bien du mal à supporter cette jeune femme envahissante et bien trop amicale pour lui.  Lui il était pas comme elle, il n’était pas foncièrement bon. Y avait des nuages noirs autour de sa tête et ce qu’il avait sous le crâne était effrayant. C’était tout le contraire de cette jolie jeune fille voué ) un bel avenir, à une belle vie. « Faut que t’arrêtes d’être aussi gentille avec moi. » Comme souvent, leur échange était incompréhensible, entre coupé de silence gênant alors qu’ils avançaient à une distance plus que raisonnable entre eux. Ils étaient des amis sans en être, des connaissances sans en être, des ennemis qui ne voulaient la guerre que pour sauver les apparences. « Et pourquoi ça monsieur le bougon ? » « Parce que je ne suis pas gentil. »