KFT ✒ Dreaming about pity life.

« Krim, peux-tu habiller tes frères ? ». Je me tourne en silence vers mon père et soupire. Cette journée est assez particulière. Nous enterrons ma mère. Morte de maladie, après un combat acharné de plusieurs années. Mes frères sont encore jeunes. Je suis encore trop jeune, mais déjà privée de celle qui me redonnait le sourire. La vie est parfois bien injuste et même au Capitole. Mon père quant à lui, ne semble pas plus atteint que cela. Du haut de mes treize ans, je pense en comprendre la raison. Mes parents ne se sont jamais réellement aimés. Je le soupçonne de fréquenter une autre femme depuis quelques mois. Peu importe. Mes frères et moi devons nous serrer les coudes, sans compter que le plus jeune a seulement deux ans. Il va me falloir être forte pour les autres. Comme toujours. Nous regardons impuissants le cercueil descendre. Eirik déglutis et me lance, dans un murmure : « Comment fais-tu pour ne pas pleurer, Krim ? ». Je passe mon bras autour de ses épaules et sèche les quelques larmes qui coulent sur son doux visage. « Pleurer te rendra faible, Eirik. Et au Capitole, tu ne peux pas te le permettre ». Il ne comprend pas encore. Mais moi je sais. Je sais que les faibles sont les premiers à mourir. Je sais que pour survivre, il me faut avancer, sans ne jamais me retourner. Alors voilà ce que je me suis appliquée à faire. Avec des petites surprises, bien entendu, comme le mariage de mon père à une capitolienne, quelques mois après la mort de ma pauvre mère. Cette dernière prit une place bien trop démesurée dans notre foyer, nous empêchant trop souvent de parler de notre ancienne vie, désirant remplacer celle qui était partie trop tôt. Je sais que ses intentions ne pouvaient pourtant pas être mauvaises - la plupart des habitants de la capitale étant tout simplement trop bêtes pour penser à mal - mais elle en demandait trop. Et je ne pouvais accepter. Mais il fallut malgré tout apprendre à faire semblant, surtout lorsque mon père nous apprit que sa nouvelle dame allait avoir un enfant. Certes, il gagnait suffisamment pour nous tous réunis mais le voir passer à autre chose avec autant de facilité était blessant. Je voulais me confier, parler de mon malaise et de mon mal être à une personne extérieure à cette famille. Il me fallu toutefois être patiente.

« Le vainqueur de cette 19ème édition des Hunger Games est Svethel Weiss». Je fixe mon écran de télévision sans rien dire. Puis souffle. Elle a enfin gagné. Elle était ma favorite, elle méritait cette victoire. Ma belle-mère et mon père éclatent de rire, ce qui me fait grincer des dents. Comme chaque année, ils se permettent quelques petits commentaires désopilants. Ils ne changeront donc jamais. Ça me désole. Je soupire et lève la voix. « Je voudrais la rencontrer ». Le bruit cesse. Mes parents me fixent, ainsi que mes frères. « Krim. Tu nous fais le coup tous les ans », déclare mon frère le plus âgé, ce qui provoque un nouveau fou rire dans la pièce. « Et alors ? Chaque année, on me répond la même chose. Les gens du peuple, les gens du peuple. Le peuple souffre et nous, on le regarde. Alors pour une fois, je voudrais bien féliciter une personne qui le mérite ». Je sens que mon frère veut ajouter quelque chose. Il est pourtant de mon côté la plupart du temps. Mais mon père le coupe. « Tu veux vraiment rencontrer cette jeune fille ? ».Il est habitué à mes idées bien arrêtées. Il a cessé de les juger avec le temps, pensant que je finirais par changer un jour. Je hausse les épaules, ce qui veut dire oui. Il se lève. « Très bien ». Je le regarde droit dans les yeux avant de le remercier. Il est rare que mon père accepte ce genre de demande. Mais je ne cherche pas plus loin. En se montrant aux festivités, mon père sait que son nom sera davantage reconnu. Voilà donc tout ce qui le motive. Peu importe si cela me permet de parvenir à mes fins.

Svethel et moi avons fini par devenir des amies. Elle, marquée à jamais par les jeux. Moi, rêvant à une autre vie, bien loin du Capitole. Je ne sais quelle mouche me piqua lorsque je confiai à la jeune femme, une première lettre, à remettre à la personne de son choix dans son district. Cela devait être notre secret. Mais cette initiative était très importante pour moi. Commença alors une longue série de courriers, avec une certaine Eleanor, aussi surnommée Ellie. Elle devînt rapidement ma meilleure amie, la personne à qui je confiais tout, de manière discrète. Svethel nous remettait les lettres, sans en demander davantage, marque de notre amitié. Cette correspondance dura une année. Mais les bonnes choses ont une fin. « Eleanor Fleming ! ». Mon sang se glaça. Elle allait participer aux Hunger Games. Le plus dur fut de faire semblant devant la famille, bien entendu. Et comme le jour de la mort de ma mère, aucune larme ne fut versée lorsque ma douce amie perdit la vie. Mais mon coeur fut brisé à jamais. Au cours de nos lettres, Ellie m'avait parlé de son frère aîné, qui prenait tant soin de sa petite soeur et il me fallait le rencontrer afin de lui présenter mes condoléances, afin de lui dire à quel point la disparition de sa soeur me peinait. Et peut-être aurait-il la réponse aux deux questions qui me hantaient tant : pourquoi la vie était aussi injuste, valait-elle vraiment la peine ?